Le Cuir de Cordoue

Une histoire européenne.

La décoration du cuir est une activité très ancienne, probablement aussi ancienne que l’histoire de l’humanité.
Le sujet qui nous intéresse aujourd’hui, à savoir l’origine du cuir doré, remonte à l’Espagne, probablement aux alentours du IXe siècle.

En 711, l’Espagne a été conquise par les Maures. Cordoue est devenue un important centre de production de cuir à partir du IXe siècle, produisant des panneaux décoratifs en cuir doré connus sous le nom de Guadameci.
Que signifie le terme « cuirs de Cordoue » ? Selon le dictionnaire des arts et sciences de J.Hubner 1734 à Leyden, les cuirs de Cordoue sont des cuirs de chèvre tannés d’une manière spécifique, ils étaient appelés Cordobanes ou cuirs de Cordoue.
Au XIVe siècle, des ateliers de fabrication de cuirs dorés avaient été créés dans plusieurs villes espagnoles.

En 1477, la Flandre passe sous l’autorité des Habsbourg d’Espagne et l’influence espagnole s’installe.
En 1504, Philippe le Bel achète à Robinet Lucas « une tapisserie de cuir doré à la manière espagnole ». Dès lors, des noms tels que Valentijn Klee, fabricant de cuirs dorés, sont connus, et des factures et des inventaires de cuirs apparaissent. Des manufactures s’installent à Anvers et Malines, puis à Bruxelles, Gand et Liège au début du XVIIe siècle.

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Cuir doré : Espagne, XVIe siècle.
Au Real Sitio de San Lorenzo de El Escorial, Espagne.
Courtesy « Cuirs doré, cuirs de Cordoue, un art européen », Jean-Pierre Fournet.

C’est le cuir original qui a inspiré notre panneau Domino.

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1663-1665, La joyeuse Compagnie, Peter De Hooch.
Au Museu Nacional de Arte Antiga, Lisbonne, Portual.

En Hollande, cependant, une petite révolution se prépare. Le premier atelier ouvre ses portes à Amsterdam en 1612 et à La Haye en 1613. Jacob Dircxz de Swart cherche de nouvelles techniques pour fabriquer ses cuirs dorés, et ses efforts sont couronnés de succès. Le 5 août 1628, il obtient une concession pour une période de 8 ans, et sa nouvelle technique de gaufrage du cuir à l’aide d’un poinçon conquiert bientôt le monde.
Les cuirs de JD. de Swart sont comparés à de l’orfèvrerie plutôt qu’à des cuirs de style espagnol.

En Flandre, la technique est rapidement adoptée. À Malines, où il existe déjà d’importants ateliers de cuir doré, l’activité prend une dimension industrielle.
Antoon et Pieter Vermeulen emploient pas moins de 120 personnes.
En 1716, Malines comptait 11 ateliers de ce type. Le cuir de Malines est exporté dans le monde entier.

Le boom du cuir doré s’est déroulé de la seconde moitié du XVIIe siècle à la fin du XVIIIe siècle.

En ce qui concerne les styles, avant 1628, les cuirs étaient plats.

Un motif dessiné avec de la peinture ou un pochoir, puis peint,
souvent décoré de petits ornements martelés.
Les fonds sont peints en une ou plusieurs couleurs.

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Cuir décoré de petits ornements martelés sur cuir espagnol du XVIe.
Photo de Jean-Pierre Fournet.

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Panneau de cuir doré ciselé d’Italie, fin du XVIIIe siècle.
Photo de Jean-Pierre Fournet.

Après 1628, les motifs deviennent baroques, avec une multitude de guirlandes, de fruits, de fleurs, d’insectes et de personnages, d’angelots, etc.
Au début du XVIIIe siècle, les styles changent, deviennent symétriques et aérés à la française.
Daniel Marot donne l’exemple, tout comme les dessins pour les soieries et autres textiles. Vers le milieu du XVIIIe siècle, les panneaux de cuir sont collés les uns aux autres pour créer des bandes à hauteur de pièce. À la fin du XVIIIe siècle, ces bandes sont assemblées pour former des panneaux qui couvrent le mur sans coutures visibles.

Le cuir doré ressemble de plus en plus à du textile et le déclin de son identité est inévitable.
L’évolution des modes et des goûts a achevé ce déclin.

À Malines, en 1709, il y avait encore cinq ateliers, en 1739 quatre, en 1759 deux, le dernier atelier a fermé et, en 1797, c’est la fin.

Il y avait bien d’autres endroits où l’on fabriquait des cuirs dorés, mais cette production avait souvent un caractère régional. Les cuirs flamands et hollandais étaient vendus dans le monde entier et la qualité de ce travail était inégalée.
Au cours des siècles suivants, des imitations, pour la plupart médiocres, apparaîtront ici et là.

Depuis la fin des années 1980, les cuirs dorés ont été catalogués, inventoriés et méticuleusement restaurés. Le Dr Eloy Koldewey a réalisé un travail considérable pour faire prendre conscience de la valeur de ce patrimoine, qui avait été négligé jusqu’à récemment. En France, un travail remarquable a été entrepris par M. Jean-Pierre Fournet, aujourd’hui certainement l’un des plus grands spécialistes en la matière.

Nous nous intéressons aux cuirs dorés depuis le début des années 1980.
Dans un premier temps, nous nous sommes intéressés à l’aspect historique et à l’évolution des dessins. Puis nous nous sommes intéressés à l’aspect technique. Dès lors, il n’y a plus eu de retour en arrière, notre usine était sur les rails, l’atelier Lutson était devenu une réalité.